(res)Sources

Je me questionne intérieurement à l’instant, à l’écriture du début de cet article, sur la pertinence d’écouter de la musique de par l’influence qu’elle peut exercer sur les émotions ressenties qui orienteront le choix du ton de la narration. Faut-il être dans l’absence complète d’une quelconque source émotionnelle extérieure quand on écrit ?
Je décide tout de même de prendre le casque.

Le renvoi à la personne qu’on a pu être enfant et adolescente -avant de quitter le nid familial- se fait automatiquement lorsqu’on retourne sur nos pas, voir ceux qui nous ont accompagné toute notre vie durant. Je passe d’un environnement légèrement clinquant, ultra urbain, où le contrôle des apparences est roi, à un autre radicalement opposé, dans la ruralité, où seul le strict minimum matériel est requis, sans qu’aucun artifice ne soit perceptible à première vue. C’est dans ce cadre rudimentaire à l’impression d’inachevé que je retrouve ma mère. Nous passons quelques jours reposants à son domicile en famille.

Le temps (les soucis ?) semble l’avoir marquée davantage, du moins de ce que j’ai pu observer cette fois. Son quotidien à cette période de l’année est routinier mais elle prend son rôle d’épouse au sérieux et ne commet pas de manquement à son devoir journalier pour aider son mari. Après des années de tumulte dont j’ai pu être témoin et qui m’auront marquée directement et indirectement, une paix intérieure semble l’avoir gagnée et s’accompagne d’un bonheur discret et présent qu’elle mérite amplement.

Le 1er jour est le plus ensoleillé (selon R. pas si « ensoleillé », mais celui dont on avait la certitude qu’on n’aurait pas de pluie qui nous tombe dessus) des trois que nous passerons dans la région. Décidant de profiter de cette journée sans être dans la précipitation car notre arrivée a lieu la veille, nous nous rendons au Pont du Gard que nous avions déjà visité plusieurs fois auparavant, qui cependant représente un endroit qui tient à cœur à R. et où il aime retourner lorsque nous sommes de passage. Cette année est différente car nous y allons pour la première fois avec O. et nous prenons plaisir à l’y emmener. Lui aussi apprécie le cadre naturel de sa sortie.

Il y a du monde sur le site mais en été il y en a certainement beaucoup plus. Il reste facile de circuler avec une poussette. Nous entrons par la « rive gauche » (nous n’avons pourtant aucun souvenir d’une existence de rives et choisissons cette entrée par pur hasard, en ayant suivi la première indication de Waze) pour nous rendre compte que nous avions pris la droite les autres fois, ce qui nous fait découvrir un chemin inédit pour arriver au pont. Nous traversons le pont et nous dirigeons vers le côté moins fréquenté, près de la rive. Il s’avère que le chemin se fera court car il est impossible d’aller au-delà d’une certaine zone qui est une propriété privée. Descendre sur la rive sur laquelle nous sommes, avec un bébé et une poussette, se révèle périlleux alors nous faisons le choix d’aller faire une pause au café.

Pause douceur – chocolat viennois

Nous allons sur la petite crique en face de la rive sur laquelle nous sommes, nettement plus accessible, et nous y restons un petit moment à observer le pont, l’eau, de temps en temps les groupes de personnes autour, des amis avec un bébé, des amis avec un chien, des touristes âgés venus tout comme nous contempler le paysage. Une forme d’apaisement nous gagne. Je me prélasse sous le soleil voilé de la fin de journée, allongée sur les cailloux, tandis que R. s’occupe de mini-être.


J’avais envie de retourner au parc des Cévennes qui se trouve à une heure de route minimum de là où vit ma mère. Le parc est immense et j’aurais voulu en explorer d’autres recoins plus éloignés car il semble regorger de paysages intéressants mais nous nous sommes contentés de faire le trajet aller-retour que propose le train à vapeur, ce qui était plus raisonnable. Trop de préparation pour bébé nous aurait certainement mis dans un état de stress qui n’en valait pas la peine. De plus j’étais persuadée que le petit voyage en train aurait plu à O., ce qui s’est avéré être le cas. Il était également prévu que nous faisions une halte à la bambouseraie qui se trouve sur le chemin du trajet en train. Faute de météo favorable, ajoutant à cela quelques contraintes supplémentaires, nous avons préféré reporter cette balade, les billets étant valables une année à partir de la date supposée de la visite. Les offrir à ma mère et son beau-père est aussi une option concevable.

A Saint-Jean-du-Gard, nous prenons place à la terrasse d’une brasserie, à une table sur laquelle on pouvait encore voir les dernières consommations qui attendaient d’être débarrassées. La prise de commande se fait longue et le serveur prend celles d’autres clients installés pourtant après nous. Pendant le repas, des échanges mère-fille ont lieu à des moments où l’impatience d’O. amène son père à le promener sur la place, près de l’église protestante ou même de l’autre côté de la route. Certains propos de cette courte discussion me rassurent.

Nous faisons une promenade lente digestive dans le centre qui durera jusqu’à l’heure de notre train de retour. Le ciel se fait menaçant mais il ne pleuvra pas durant notre marche. Nous passons par les ruelles commerçantes, puis traversons un parking et arrivons sur un joli pont étroit en pierre où se mêlent passants et voitures, sous lequel coule une rivière, le Gardon.

Notre balade se poursuit dans une rue plus classique qui me rappelle celles de l’endroit où j’ai grandi. Des maisons, un terrain de basket, de la verdure composent notre chemin, enveloppés d’un calme ambiant, et nous accompagnent jusqu’à ce que nous rejoignons le quai de la gare où nous patientons plusieurs minutes avant l’arrivée du train.


Le 3e jour laisse place à une entière improvisation concernant le programme. C’est peut-être la journée de trop, m’interroge-je. Nous emmenons O. à l’espace de jeux en intérieur que j’avais repéré avant notre séjour pour l’occuper en cas de pluie et y restons vingt bonnes minutes avant d’en ressortir. Le réveil légèrement brutal de sa sieste n’aura pas été un moment propice pour qu’il puisse profiter de la piscine à balles ainsi que du parcours de motricité. Nous nous rendons à la ferme qui se trouve à une quinzaine de minutes de là pour lui faire découvrir quelques animaux qu’il a vus dans les livres, dans les comptines à la télévision ou dans des vidéos en ligne. Sur place nous passons près de deux groupes de personnes célébrant des anniversaires en plein air, au milieu des enclos d’animaux, sous des sortes de chapiteaux. Mini-être apprécie davantage cette activité qui ne l’oppresse pas, même s’il ne reste pas attentif tout le long.

Le retour aux sources permet souvent de prendre du recul sur ce que l’on vit au quotidien, surtout si ce dernier ne ressemble en aucun point à ce que l’on a connu dans le passé. J’en tire quelques enseignements, comme celui de vivre dans le milieu urbain qui implique d’être en constant rapport avec toutes influences et nous invite à adopter des comportements de consommation qui ne devraient pas avoir lieu car non nécessaires (à la survie). Nous nous laissons séduire facilement par les messages publicitaires omniprésents ou par des personnes qui nous inspirent et donc nous poussent de manière inconsciente à consommer comme elles le font. En totale immersion chaque jour dans un tel environnement, on finit par oublier cet aspect, mis à nouveau en lumière lorsqu’on en sort pour vivre quelque temps dans un cadre opposé. La prise de conscience opère alors.

Verdict : la musique est source d’inspiration pour l’écriture.

☊ What if I love you — Gatlin
☊ This love — Taylor Swift