L’été avant et maintenant

Les étés de mon enfance, je ne pouvais pas m’attendre à ce qu’un programme bien rôdé soit organisé par mes parents. Les vacances laissaient obligatoirement libre cours à mon imagination sans que mes parents n’interviennent pour nous proposer une activité. Les colonies de vacances étaient inexistantes, nous avions notre grand-mère pour nous garder en leur absence. Il est évident que O. vivra une enfance sensiblement différente de la mienne, bien plus encadrée, dans un environnement très urbain et dynamique, où toutes activités sont à sa portée. Elles le sont aussi car notre situation et nos connaissances le lui permettront (si nous continuons à vivre là où nous sommes actuellement établis). L’époque actuelle tend à être à l’écoute des besoins des enfants et à respecter leur individualité, ce qui n’était pas encore le cas de celle de mes parents.

Le pavillon dans lequel j’ai grandi se trouvait dans une commune très calme, à quelques pas de ce qu’on appelait un « lac », qui s’avérait être en réalité la fin du parcours de l’eau provenant des canalisations des foyers, une stagnation sous forme de lac en apparence. Autour, une grande étendue d’herbe où l’on pouvait se promener rendait toutefois agréable ce lieu dont, enfants, on ne pouvait pas toujours soupçonner pas la vraie nature de cette eau qui avait tout l’air d’une rivière complètement ordinaire et dont j’ai pu voir certains y baigner leurs pieds. Plus tard, ce « lac » s’est trouvé asséché et nous n’avons plus jamais vu d’eau s’y jeter.

Nous avions un jardin qui entourait notre maison, il avait pour but de nous offrir un terrain de jeu principalement, raison entre autres pour laquelle mes parents avaient opté pour ce type d’habitation, et durant les années où l’on y a vécu, il aura bien rempli son rôle. C’était une chance indéniable d’avoir eu accès à ce petit privilège. La vie y était paisible, peut-être trop même mais la solitude engendrée par cet environnement et beaucoup par ma personnalité sélective en termes d’entourage, aura été bénéfique à mon sens. Grandir en pavillon dans une commune sans histoire m’aura permis de ne pas être encombrée par des éléments perturbateurs extérieurs, et de me focaliser pleinement sur mon développement vers l’âge adulte.

L’été était souvent rythmé par les départs chez les tantes et oncles, généralement en août qui était la période où mes parents posaient leurs congés annuels. J’ignore jusqu’à quel âge j’ai arrêté de les accompagner dans ces visites estivales, si ça a eu lieu avant ou après le point de rupture entre eux. Avec la fratrie, nous avons passé des moments qui resteront longtemps gravés avec les cousin(e)s du même âge. Ils avaient un quotidien à l’opposé du nôtre hormis le fait de vivre en pavillon, dans leur cas les deux familles avaient décidé d’acheter deux maisons mitoyennes jouxtées de leurs jardins qui ne faisaient qu’un et permettaient d’aller facilement de l’une à l’autre. Passer du temps là-bas relevait de la vraie signification des vacances. Nous nous amusions avec tout et de tout (et de tout le monde), il n’y avait rien d’imposé, aucune pression, pas de codes sociaux si ce n’est les plus basiques sur la gestion de l’avant et l’après repas, chaque journée était improvisée selon nos envies et nos modestes moyens. Je revenais alors de ces vacances avec un regain d’énergie, des histoires et des fous rire à me remémorer, avant de faire ma rentrée de l’année dans une atmosphère plus austère.

Avant la fin du lycée, je me suis vite mise en tête de quitter le cocon familial pour profiter pleinement de la liberté qu’offrait la majorité civile, et Paris me semblait être le meilleur endroit, un milieu donnant lieu à d’infinies expérimentations de la vie et de toutes sortes. Je n’avais pas choisi mes études au hasard et me suis inscrite dans un cursus qui correspondait à ma passion du moment, se trouvant dans la capitale, bien que je laissais mes parents dans l’inquiétude quant à mon avenir avec cette formation qui pour eux ne me mènerait nulle part. Il était hors de question de continuer dans ma ville d’origine dans laquelle je me serais trouvée dans une impasse sans perspective, et aujourd’hui encore je suis certaine qu’il n’y aurait pas eu toute cette suite jusqu’à maintenant.

O. lui aura un tout autre style d’enfance qui ne ressemblera en rien au mien. Je me réjouis de le voir grandir en tant qu’enfant jovial, curieux, et de pouvoir l’accompagner dans toutes ses découvertes, tandis que l’apathie était sans doute ce qui me caractérisait le mieux à son âge, d’un point de vue extérieur. Je n’ai pas eu de réel repère pour m’apprendre à parler de mes émotions et apprendre à les gérer, ni à m’écouter parler de mes journées d’école, mes parents ayant d’autres préoccupations. Certes, j’ai pu être autonome très tôt, apprenant à gérer tout le côté administratif par moi-même sans avoir qui que ce soit pour me conseiller, faire mes choix d’études -par chance je n’étais pas mauvaise pour ces décisions- mais être épaulée et soutenue aurait pu m’apporter une sérénité d’esprit. J’aurais certainement gagné à acquérir une maturité plus rapide sur les choses qui m’entourent. Alors je tente d’inverser les choses en transmettant à O. tout ce dont un enfant peut avoir besoin, me basant sur mon expérience et les avancées en psychologie de l’enfance.